Les cahiers de recherche de L'École de design Nantes Atlantique

12 janvier 2011    Entretiens · interfaces tangibles   

Posted by m.saysana

De l’importance du jeu vidéo en sciences humaines et sociales – Entretien avec Sébastien Genvo, expert en « game design »

Sébastien Genvo, spécialiste du game design, maître de conférences à l’Université Paul Verlaine de Metz, répond aux questions de Thierry Lehmann, responsable du groupe de recherche Interfaces Tangibles de L’École de design Nantes Atlantique. Leur échange est axé sur la réalité augmentée et le jeu vidéo comme moyen d’expression et de questionnement. Il introduit l’application Immersive Rail Shooter réalisée en tant que projet de fin d’études par David Arenou, avec la complicité de son tuteur, Sébastien Genvo, et primée lors des prestigieux concours japonais IVRC et Siggraph 2010.


Sébastien Genvo, maître de conférences à l'université Paul Verlaine de Metz - spécialiste en game design

Thierry Lehmann : Pouvez-vous expliquer les raisons pour lesquelles vous vous consacrez à la réflexion sur les jeux vidéo? Est-ce que vous étiez gameplayer ?

Sébastien Genvo : Effectivement, j’étais joueur dès l’âge de 6 ans, bien avant d’être chercheur. J’ai fait des études cinématographiques jusqu’à la maîtrise. Parallèlement, je me suis occupé d’un festival de court métrage et j’ai été vice président d’une association organisant des lan party ; événements qui réunissaient des centaines de joueurs pendant 24 heures. Après ma maîtrise, j’ai envoyé une candidature spontanée chez Ubisoft, une multinationale du jeu vidéo où j’ai travaillé un an et demi en tant que game designer. Puis j’ai décidé de reprendre un doctorat en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paul Verlaine de Metz, au Centre de recherche sur les médiations.

Mon doctorat portait sur une approche interculturelle du game design avec une réflexion sur la   façon de réussir à impliquer des joueurs de différentes cultures dans un même jeu en posant la question de la diffusion des messages, de l’idéologie. Quels sont les mécanismes du game design ? qu’est ce qui fait la spécificité du jeu vidéo en tant que moyen d’expression ? Quelles sont les spécificités narratives du jeu vidéo ? A l’issue de ma thèse, j’ai tout d’abord été recruté à Limoges où j’ai exercé au département « Service et réseaux de communication », un département où l’on enseigne aux étudiants la création multimédia pour le webdesign, le print, le design, l’ergonomie des interfaces numériques et entre autres les jeux vidéos. Mes contenus de cours s’étendent de l’histoire de l’art, histoire de la BD, aux enjeux des médias numériques dont les jeux vidéo. Je continue à faire de la recherche , dans ce domaine, essentiellement sur les aspects culturels et sociologiques et, depuis la rentrée, j’ai rejoint l’Université de Metz où j’ai obtenu une mutation.J’ai aussi une activité de publication : 4 livres sur les jeux vidéo et les actes du colloque international à Limoges.

« Un média fondamentalement globalisé »

Thierry Lehmann : Dans Médiamorphose vous écrivez « le jeu constitue un domaine privilégié pour questionner le rôle culturel des médias à l’heure de la numérisation et de la convergence. » Est-ce que vous pouvez expliquer ?

Sébastien Genvo : Depuis ses prémices, le jeu vidéo est un média fondamentalement globalisé. L’histoire du jeu vidéo prouve que ceux qui ont réussi à prendre les rênes du marché sont ceux qui l’ont compris. Prenons par exemple la façon dont Nintendo a réussi à conquérir son marché cible avec son jeu Mario Bros. Celui-ci a une identité culturelle plurielle. Développé par des Japonais, il est emprunt de shintoïsme mais contient de nombreuses références occidentales : Mario est un plombier New-yorkais d’origine italienne qui grimpe sur des haricots magiques, comme Jack dans le conte britannique et mange des champignons qui font grandir ou rapetisser, comme dans Alice au Pays des merveilles. Ce n’est qu’un exemple et on retrouve ces logiques de globalisation à tous niveaux.

IRS de David Arenou séduit le public nippon lors du concours IVRC, Tokyo, août 2010

L’autre raison de la convergence est que les jeux vidéo agrègent différents types de médias qu’ils réintègrent sous une logique de l’interaction et de l’action. On compare souvent le jeu vidéo au cinéma. Les tout premiers photographes, les pictorialistes, se sont inspirés de la peinture pour donner un statut d’œuvre d’art à la photo. Puis, quand le cinéma est apparu, il s’est inspiré du théâtre. À son tour, le jeu vidéo s’est inspiré du cinéma pour faire passer un message, des émotions, une histoire etc. Le jeu vidéo propose une architecture et un espace à explorer. Il condense aussi des logiques d’interaction sociale comme c’est le cas pour les jeux en ligne massivement multijoueurs (MMORPG) du type World of Warcraft, qui réunissent plusieurs milliers de joueurs dans une même partie.

Le jeu vidéo est un prisme qui permet d’interroger différentes logiques médiatiques contemporaines. Il permet d’aborder les enjeux sociaux d’Internet, les défis du statut d’auteur et de créateur dans les médias interactifs, la définition d’une œuvre… C’est aussi un média de simulation qui permet de soulever beaucoup de questions susceptibles d’éclairer les nouveaux médias. Pour toutes ces raisons, les jeux vidéo sont un bon objet de recherche , et je milite pour que l’on prenne conscience de leur importance dans le champ des sciences humaines et sociales, où ils ont longtemps été ignorés, voire stigmatisés. Si certains jeux vidéos sont porteurs d’idéologies très fortes, ceci à vient de leur histoire étroitement liée à l’industrie militaire. La stigmatisation, compréhensible à cet égard, doit être dépassée pour aborder le jeu vidéo comme moyen d’expression et objet de questionnement.

« Logique de mise à profit de la création de l’utilisateur »

Thierry Lehmann : Pouvez-vous nous parler de la notion de « consommation comme création »? Sur Internet, les joueurs participent à une forme de production de culture, ou en tout cas, de contenu. S’agit-il uniquement de customisation par le joueur, ou est-ce que ces interventions ont des conséquences plus profondes ? Est-ce qu’elles augurent l’avènement de la co-participation ou de nouvelles formes d’affirmation de soi ? Ces tendances peuvent-elles remodeler notre façon de vivre et influer sur les enjeux sociaux réels?

Sébastien Genvo : Le jeu implique une sorte d’affirmation de soi, de créativité. Certains théoriciens psychanalytiques comme Winnicott explorent cet axe de réflexion. Par essence, le joueur cherche à affirmer son identité et à faire jaillir quelque chose de neuf. Depuis la naissance de ce marché, les producteurs essayent d’avoir un retour d’usage pour améliorer leur jeu, soit par des versions successives (cf. les jeux conçus de façon sérielle comme Mario Bros, Zelda, Doom), soit par une logique dynamique. Cette dernière est appliquée dans World of Warcraft par le biais de nombreux patches qui modifient le jeu et font qu’il n’est plus tout à fait le même qu’à sa sortie. Les concepteurs gardent toujours un œil sur les pratiques des utilisateurs : ils observent les règles inventées par ces derniers et ajoutent et les intègrent au jeu si elles marchent bien. Il y a une logique de boucle rétroactive entre producteur et consommateur.

Cela ne signifie pas que le consommateur est tout puissant, car c’est toujours le producteur qui met des verrous et empêche les appropriations nuisant à la rentabilité du jeu (ou contraires aux logiques de marché). Il y a une tension permanente entre la nécessité de concevoir des jeux créatifs et les verrous que le marché met en place pour en assurer la rentabilité. Les constructeurs imposent des normes aux éditeurs. Un jeu doit être accepté par un constructeur pour être publié sur leur plateforme. Si des logiques dominantes s’imposent, on a toujours en contrepartie des logiques sous-jacentes qui font avancer les choses. On parle aujourd’hui de user content, c’est-à-dire de « production par les utilisateurs ». Une manne gratuite qui fait économiser des frais de développement aux producteurs. Sony a sorti un jeu qui s’appelle Little Big Planet. Ce jeu est vendu avec l’argumentaire suivant : « vous allez être le créateur de votre propre monde, vous allez diffuser votre contenu, vous pourrez devenir célèbre par la création d’un niveau ». Mais si l’on regarde les licences globales d’utilisation, ce qu’on appelle les CLUF (Contrat de Licence Utilisateur Final), on s’aperçoit que Sony a tous les droits sur les créations d’utilisateur : dès lors qu’un utilisateur produit un contenu sur Little Big Planet, il cède ses droits d’exploitation commerciale à Sony qui peut revendre le niveau ou l’utiliser à des fins de promotion, sans rémunérer le joueur. Il y a une logique de mise à profit de la création de l’utilisateur dans des logiques commerciales. Cela dit, il faut relativiser: certains joueurs s’approprient des jeux et les transforment. L’équilibre entre la logique de marché et l’aspect ludique et créatif est donc très complexe et tendu.

De l’obsolescence perpétuelle à la patrimonialisation du jeu vidéo : à l’encontre de l’exemplification technologique

Thierry Lehmann : Aujourd’hui, les jeux vidéos concernent toute la famille, avec une segmentation riche (action, plate-forme, serious games, etc.), le développement n’est plus centré sur les avancées graphiques, arrivées à maturité. La notion d’immersion est mise en avant par différents moyens d’interfaçage : avec sa commande wii, Nintendo a été pionnier dans l’ apport de nouvelles modalités d’interaction ; Microsoft commercialise en ce moment kinect, un système de jeu sans manettes avec reconnaissance de mouvements. Quelles sont pour vous les tendances d’évolution du jeu vidéo et notamment des interfaces tangibles ?

Sébastien Genvo : Si le jeu vidéo n’était qu’une exemplification technologique comme le veulent les industriels, la logique qui prévaudrait serait celle de l’obsolescence perpétuelle comme c’était le cas jusque dans les années 1990. Comme la logique de l’oubli et de la consommation immédiate s’était imposée, impossible de construire un patrimoine ou une culture. Aujourd’hui, les utilisateurs s alimentent un processus de patrimonialisation du jeu vidéo grâce à des émulateurs, à la mise à disposition d’anciens jeux, etc. Et les éditeurs se rendent compte qu’ils ont tout intérêt à exploiter cette tendance.

Lorsqu’on observe la scène indépendante du jeu vidéo, on découvre de nombreux jeux qui vont à l’encontre de la logique d’exemplification technologique. Ce sont certes des jeux indépendants, créés par trois ou quatre personnes, allant à l’encontre des logiques de marché. Sur mon site web, vous pouvez retrouver un article sur l’art du game design, dans lequel j’évoque un jeu qui s’appelle Passage. et dont les dimensions avoisinent les 12 pixels sur 100. Aujourd’hui, de plus en plus de jeux comme celui-ci voient le jour. Cela montre que la spécificité du médium ne réside pas que dans l’amplification technologique, que l’on peut faire passer des émotions avec une centaine de pixels, que l’on peut véhiculer de nouvelles formes d’expression artistique avec des contraintes techniques fortes et même aller vers l’abstraction pour faire naître des nouveaux imaginaires. Ainsi, on remet en question les logiques d’exemplification technologique imposées par les constructeurs. Retrouver une ancienne console avec l’offre ludique qui va avec, est très difficile, à moins d’acheter de l’occasion. Le marché pousse le joueur à l’immédiateté de la consommation, or le jeu ne se résume pas à cela puisqu’il tend à devenir l’objet d’une certaine patrimonialisation.

Dance Dance Revolution

L’exemplification technologique passe par le graphisme, mais aussi par les interfaces tangibles, nouveau secteur d’évolution industrielle. C’est à ce propos que je suis intervenu pour encadrer David Arenou. J’ai également écrit un article à ce sujet intitulé « Les interfaces tangibles dans les jeux vidéo : la poursuite d’une utopie? ». Night Driver, l’un des premiers simulateurs automobiles, était déjà doté d’un volant avec vision interne. Mais depuis la naissance des jeux vidéo, la wii est la toute première interface tangible à rencontrer du succès conséquent dans ce domaine. Par exemple, les premiers jeux de tir en vue subjective (comme Operation Wolf) ou les jeux de First person shooting se pratiquaient au début sur des bornes d’arcade avec de vrais pistolets voire des mitraillettes à retour de force. Ces interfaces tangibles n’ont pas convaincu alors qu’à la même époque, les jeux en vue subjective avec souris et clavier faisaient fureur. Pourtant ils sont loin d’être intuitifs ! Mais ce que cherche le joueur avant tout c’est l’efficacité selon les règles. Si le joueur s’immerge dans une interface, ce n’est parce qu’elle imite fidèlement le réel mais parce qu’il maîtrise bien les règles du jeu. Si le joueur n’arrive pas à être efficace et à atteindre ses buts, l’esthétique graphique lui permettra de s’immerger dans le jeu pendant un temps, mais se révélera vite insuffisante pour entretenir son intérêt. Par contre, si l’interface tangible est intégrée dans le système de jeu, cela peut fonctionner. Par exemple dans le jeu Dance Dance Revolution La simple imitation n’est pas efficace. Le joueur est avide de découvrir de nouvelles règles dans un nouveau monde, pas un univers qui singe sa réalité, comme le faisaient la plupart des interfaces. Le défi des interfaces tangibles est donc de développer un outil efficace dans le monde du jeu sans réalisme du comportement. Les premiers retours critiques des journalistes sur les interfaces de Sony et Microsoft ne sont pas si enthousiastes. Les gens s’essoufflent vite. Avec la Wii, lorsqu’on joue au tennis, on découvre qu’un simple revers de la main suffit et qu’il n’est pas nécessaire d’imiter le geste exact du joueur du tennis. Il faut privilégier au mimétisme, pas suffisant, ce que j’appelle la jouabilité car elle fait la spécificité du jeu vidéo. L’art de l’expression vidéo ne se situe pas uniquement dans l’amplification technologique, mais aussi dans la qualité de l’interaction. Je crois vraiment à une réflexion sur la jouabilité, qui fait la spécificité du jeu vidéo.

IRS de David Arenou : un écho pratique pour la recherche fondamentale de S. Genvo

Thierry Lehmann : Quel est votre avis sur le concept de David Arenou ?

Sébastien Genvo : Au fur et à mesure de nos échanges, je lui avais bien expliqué la nécessité de placer l’interface au cœur du jeu, afin qu’elle serve les objectifs du joueur et participe à son plaisir sans forcement faire du mimétisme avec la réalité. Et il en a bien tenu compte. Si une interface peut être remplacée par une souris ou un clavier, cela signifie qu’elle n’est pas indispensable. Vous ne pouvez pas, par exemple, jouer à Dance Dance Revolution sans le tapis interactif ; le jeu perdrait tout intérêt. Vous pouvez jouer à Doom avec un clavier et une souris, le jeu sera même plus plaisant qu’avec un pistolet. Ce qu’il faut se demander c’est : « Quelle est l’identité de l’interface tangible au sein du projet et qu’est-ce qui fait que c’est un mécanisme de jeu? ». Je pense que David Arenou a bien compris cela. Il a bien saisi que l’intérêt de son jeu repose sur les déplacements du joueur, sur l’interaction entre ce dernier et certains objets transposés non pas comme des objets du quotidien mais comme des jouets.

Il réfléchissait beaucoup à la question d’immersion dans le jeu, je lui ai dit que si c’était juste pour faire une démonstration technologique, ça risquait de poser problème. Il faut vraiment penser l’interface tangible comme un élément indispensable du système.

Par ailleurs, ça m’a fait plaisir de voir que la théorie réussissait à rencontrer la pratique et les problématiques de conception. Car après tout, l’article que j’avais écrit sur les interfaces tangibles était un exercice de recherche fondamentale visant à dégager un point de vue rétrospectif sur l’histoire du jeu vidéo axé sur les raisons du succès ou de l’insuccès de certaines interfaces. Mais je ne l’avais pas pensé dans une optique de conception. Je tiens à ce que mes recherches aillent au-delà d’impératifs immédiats de conception parce que cela me permet d’aborder des questions socio-culturelles et de poser des questions à long terme pour en mesurer l’ampleur. Je suis heureux de voir que la recherche fondamentale trouve un écho dans le projet de David. D’autant que celui-ci est réussi et a été primé à plusieurs reprises.

Thierry Lehmann : Ce projet n’est pas centré sur une prouesse technologique, mais sur l’usage.

Sébastien Genvo : Exactement, ce n’est pas par la prouesse technologique qu’il va falloir démontrer la pertinence du jeu, comme le font actuellement Sony et Microsoft en annonçant qu’ils ont tant de capteurs de plus que la Wii, qu’on peut se déplacer en 3 dimensions… mais en terme de jouabilité ; ce sont des arguments promotionnels pertinents mais des logiques d’obsolescence.

Le design apporte un cadre critique au-delà du développement

Thierry Lehmann : Au-delà de l’esthétique, que peut apporter la discipline du design dans le jeu vidéo ?

Sébastien Genvo : Aux débuts du jeu vidéo, on ne parlait pas de game design, (design appliqué au jeu vidéo) : la plupart du temps, les programmeurs créaient les jeux, sans avoir le droit de les signer. Ils n’étaient pas reconnus comme des créatifs.

On a d’abord identifié la valeur ajoutée esthétique du design mais il a fallu du temps pour que la discipline soit reconnue comme une activité à fin d’usage. Cela a donné lieu à des batailles. Dans l’un des premiers ouvrages qui est sorti sur le game design, paru dans les années 1980, Chris Crawford disait « Nous n’avons pas besoin de programmeurs qui savent faire de belles exemplifications ni de technologistes, mais de créatifs qui se posent la question de ce qu’est un jeu : « Qu’est-ce qui fait qu’il est bon ? Qu’est ce qui fait son succès ? ». Et Chris Crawford disait encore « pour répondre à ces questions, il faut que nous ayons un cadre de pensée, un cadre théorique, un cadre critique qui aille au delà du développement ». Je crois que c’est ce que le design a apporté au jeu. Cela dit, je ne dénigre pas l’aspect technologique parce que les deux vont de pair dans la conception. Le design peut apporter une réflexion sur le medium et sur la place des usages dans le jeu vidéo, car il ne faut pas oublier que l’utilisateur est au centre de tout finalement.

Qui est Sébastien Genvo ?

Sébastien Genvo est maître de conférences à l’université Paul Verlaine – Metz (IUT Thionville – Yutz) et membre du Centre de recherche sur les médiations. Anciennement game designer et auteur de plusieurs ouvrages sur les jeux vidéo, ses recherches abordent les enjeux économiques, culturels et esthétiques de ce médium. Il a publié récemment Le jeu à son ère numérique. Comprendre et analyser les jeux vidéo, aux éditions L’Harmattan et a co-dirigé l’ouvrage Les jeux vidéo, au croisement du social, de l’art et de la culture (revue Questions de communication, série actes 8, Presses Universitaires de Nancy).

Visitez le blog de Sébastien Genvo

Immersive Rail Shooter de David Arenou par

Jocelyne Le Boeuf, Directrice des études


Immersive Rail Shooter : jeu vidéo et immersion (David Arenou, 2010)

Une nouvelle ère pour le jeu vidéo

Programme informatique, console, micro-ordinateur, manette, écran… le jeu vidéo, hors de la sphère des passionnés, peut sembler un peu effrayant. Les Shoot’em up (« descendez-les tous »), les FPS (First Person Shooter, jeu de tir à la première personne), les RPG (Role Playing Game, jeu vidéo de rôle) et autres typologies bien analysées par David Arenou dans son mémoire de fin d’études permettent de comprendre les critiques virulentes envers ce type de pratiques ludiques. Citant le film Gamer (M. Neveldine et B. Taylor – 2009) qui dépeint une société pervertie par le jeu vidéo, il s’interroge sur les peurs engendrées par ce media et critique les arguments technologiques souvent mis en avant par les constructeurs.

La pertinence de l’approche par le design se situe effectivement dans sa capacité à penser la technologie pour l’humain, et non l’inverse. La réponse peut-elle être apportée par les dispositifs de plus en plus intuitifs et immersifs proposés par les constructeurs et producteurs de jeux vidéo tel Nintendo ? Cela correspond en tout cas à un marché en pleine expansion, en croissance continue depuis quelques années, devant les secteurs de la musique et du cinéma.

Du principe des First Person Rail Shooter (jeux de tir sur rail) à l’application Immersive Rail Shooter

Il ne s’agissait pas d’inventer de nouvelles technologies, ni de remettre en cause la partie matérielle et logicielle du jeu avec tous ses périphériques mais de rendre tangibles les éléments virtuels du jeu dans l’espace de l’habitat. L’objectif était donc de passer du domaine abstrait de l’illusion – s’introduire dans une profondeur artificiellement construite sur une surface plane – au domaine concret de l’expérience où les objets de l’habitat entrent en résonance avec ce qui se passe à l’écran.

Après avoir étudié différents types d’immersion (E. Adams, Postmodernism and the Three Types of Immersion, 2004 – A. Varney, Immersion unexplained 2006, David Arenou s’est intéressé à des formes d’immersion tactiques et stratégiques pour développer ses principes ludiques. Il s’est également appuyé sur les approches de Xavier Rétaux (« Présence dans l’environnement : théories et applications aux jeux vidéo » in Mélanie Roustan (dir), La pratique du jeu vidéo : réalité ou virtualité ? Paris, L’Harmattan, 2003) qui met en avant les notions de « présence » – sensation correspondant à l’effacement de barrières techniques – et d’ « implication » – mise en œuvre de réflexes et capacités cognitives.

Pour appliquer le principe d’immersion physique à un jeu de tir virtuel, David Arenou a choisi d’imposer au joueur un circuit prédéfini (principe du chemin de fer).

Une fois le principe adopté, les règles sont simples. Le joueur organise ses cachettes, prépare son terrain et transmet les données à l’écran. Lorsque le paramétrage est achevé, la partie peut commencer. Le principe peut, bien entendu, s’adapter à différents types de jeux.

David Arenou a donné forme à travers ce projet à une intuition révélée lors d’une expérience dans une résidence universitaire aux Etats-Unis où, lors d’une participation à un jeu vidéo face à un écran géant il se rend compte du très fort impact sensoriel transmis par les sons qui font vibrer les murs et le sol de l’amphithéâtre dans lequel l’expérience se déroule. Son projet Immersive Rail Shooter est un exemple des possibilités offertes de penser de nouveaux modes d’interaction entre l’humain et les dispositifs techniques liés aux technologies du virtuel, champ d’exploration immense pour les designers.

IRS couronné de succès

Le projet Immersive Rail Shooter de David Arenou a reçu 3 distinctions à Laval Virtual (festival international de la réalité virtuelle à Laval – avril 2010) : le 1er prix de la catégorie démos, le prix du meilleur développement technique du concours Virtual Fantasy et le prix IVRC (International Collegiate Virtual Reality Contest). Cette dernière récompense a permis à David Arenou de présenter son projet à Tokyo dans le cadre de la manifestation éponyme (23-25 août 2010), ce qui lui a valu le prix spécial du jury . Immersive Rail Shooter a ensuite être exposé à Tokyo du 14 au 17 octobre 2010 lors du Digital Content Expo.

Voir l’interview de David Arenou sur Immersive rail Shooter

Voir le portfolio de David Arenou

Retrouvez Jocelyne Le Boeuf sur son blog Design et histoire(s)

Tags: · , , , , , , ,

→ 1 commentaire

Laisser un commentaire