“ Des outils dont le design permet de rendre intelligible quelque chose qui est vivant : la vie du réseau.” entretien avec Hugues Aubin, chargé de mission TIC, Ville de Rennes
Hugues Aubin : Oui, absolument. J’utilise en gros trois identités et une que l’on peut qualifier de secrète. Pour moi, un pseudo n’est pas une identité. Une identité ce n’est pas que ce que l’on peut définir au travers de l’identité numérique, au travers de la réputation, de la trace, etc. L’identité c’est beaucoup plus que ça,, ce n’est pas la manière dont on se montre mais ce qu’on est. Si un gendarme me demande mon identité, je réponds « Hugues Aubin », mais je réfléchis un peu plus avant de répondre à un interlocuteur moins neutre, car ce qu’il me demande vraiment c’est « qui je suis ». Une des difficultés principales qui en découlent, c’est que chaque personne est une seule entité qui a appris à se diviser en des identités fictives qui correspondent à des codes. C’est ce que je fais intuitivement en scindant avec mes pseudos identité civile (à usage plutôt officiel) et identité personnelle. À mon avis, on a un soi et après on a des personnages qui sont ou non des stratégies. Le simple fait de s’habiller montre que nous utilisons des stratégies identitaires. Et ces stratégies identitaires sont beaucoup plus faciles à gérer grâce aux mécaniques en vigueur sur le web. On se rend compte que les chaînes de caractères ont une véritable incidence sur les moteurs de recherche. Avec un compte sur Google, LibertyAlliance ou Yahoo je peux créer 15 ou 20 comptes sur des services différents. Cet état de fait induit des stratégies, mais si les outils fonctionnaient autrement, les stratégies seraient différentes. Ce qui est sûr, c’est que l’affectation d’un nom, d’un pseudo est quelque chose de relativement important et symbolique mais aussi variable. Certains ont recours à des stratégies « à l’envers », c’est-à-dire qu’ils concentrent leur activité autour de leur vrai nom et utilisent un pseudo pour souscrire à des services en ligne qu’ils veulent tester, par exemple.
Grégoire Cliquet: Et par rapport à ces multiples identités, veillez-vous à la notion d’e-réputation ? En amont, vous séparez bien, vous manipulez ces différentes identités avec précaution ? Est-ce vous tapez votre nom dans Google a posteriori ? Comment gérez-vous cette notion de ce que vous êtes sur le web, Hugues Aubin ? Comment mesurez-vous cela ?
Hugues Aubin : Oui, je me « google » de manière extrêmement automatique depuis huit à dix ans, sans y penser. Comme on ne maîtrise pas son identité numérique sur le web et qu’on a très peu de clés pour s’en sortir quand ça se passe mal, il faut tout d’abord se débrouiller pour que rien ne dérape de son propre fait. C’est-à-dire faire attention aux contributions que l’on publie. Voilà comment agir en amont. Ensuite pour ce qui se produit en aval, c’est extrêmement simple. On peut utiliser des services d’alerte sur des mots-clés sur Google actu, Google web, etc. On peut aussi taper, (« scorer ») son nom sur Google assez régulièrement, à peu près tous les dix jours. Je le fais environ trois fois par mois depuis très longtemps. Je découvre des choses très amusantes, je sais que j’ai des homonymes. Je vois aussi évoluer des homonymes avec lesquels je partage la troisième ou quatrième page des requêtes sur mon nom. Je vois ce que voit quelqu’un qui taperait mon nom sur les gros moteurs de recherche et cela m’intéresse. Je sais qu’il y a d’autres « Hugues Aubin » sur des réseaux comme Facebook. Évidemment, même si je n’utilise pas Facebook, j’ai créé mon compte sous le nom d’Hugues Aubin, ne serait-ce que pour pouvoir revendiquer ma page en cas de litige. La réponse est donc « oui », on peut mener un travail de monitoring, de veille extrêmement simple ne serait-ce que pour éviter les grosses surprises du genre s’apercevoir qu’un homonyme a pris des positions politiques extrêmes ou qu’on est calomnié à son insu.
Grégoire Cliquet: Vous ressentez donc une certaine forme d’angoisse par rapport à cela ?
Hugues Aubin : Non, ce qui m’angoisserait serait de ne pas disposer d’outils pour vérifier ce que les autres voient. Ayant à la fois ces outils à disposition et la chance de travailler dans un domaine requérant une connaissance des outils numériques, je sais ne pas pouvoir tout contrôler dans la mesure où, aujourd’hui, il est très dur aujourd’hui d’endiguer un abus dans ce registre-là ; mais, je suis au moins informé. Je peux donc alerter, par vagues successives, les membres de ma communauté ; soit pour créer un contre-buzz, soit pour avoir droit au chapitre très rapidement.
L’exposition de soi dans les environnements virtuels 3D
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