“ Des outils dont le design permet de rendre intelligible quelque chose qui est vivant : la vie du réseau.” entretien avec Hugues Aubin, chargé de mission TIC, Ville de Rennes
Grégoire Cliquet : Vous êtes adepte de Second Life, où vous êtes présent sous les traits de Zolnir. Pouvez-vous nous parler de cette identité, qui est aussi un avatar (la personnification de ce personnage). Comment vous positionnez-vous par rapport à ce Zolnir de Second Life. Dans quelle mesure est-ce ou n’est-ce pas vous ?
Hugues Aubin : C’est simple. La ville de Rennes a fait des projets dans Second Life, qui n’étaient pas menés par l’avatar Hugobiwan Zolnir, mais par l’avatar officiel de la ville, un certain Clap Clip, qui a été exploité par différents acteurs du projet puisque c’est un avatar fonctionnel avec des droits particuliers. C’était une manière astucieuse d’incarner le projet et ses acteurs. Ce qui est intéressant là dedans, c’est l’utilisation d’un compte (et non d’une identité numérique) incarné par un personnage, derrière lequel il y a des personnes différentes. Cela nous a d’ailleurs posé des problèmes, à tel point que Clap Clip était obligé d’indiquer à ses interlocuteurs à qui ils parlaient pour éviter de briser leur confiance. En ce qui me concerne, c’est extrêmement simple : Hugobiwan Zolnir c’est mon vrai moi. Il représente ce que j’aime, ce que je n’aime pas, les projets que j’ai envie de faire, les choses qui me passionnent. Aujourd’hui, l’avatar est une espèce de souris évoluée : au lieu de cliquer sur des choses, on peut échanger avec des gens dans une relation donnant-donnant. Pour arriver à réaliser quoi que ce soit avec les gens, il faut donner de soi, qu’on soit sur Facebook, Twitter, Opensim, la version open source de Second Life. Les utilisateurs aspirent à se sentir aussi libres dans le monde numérique que dans la vie. Dans les environnements massivement multi-utilisateurs, les personnes s’investissent beaucoup sur le plan affectif ; elles ne se cachent pas du tout comme on aurait pu s’y attendre, ce qui créé des dynamiques de projet impressionnantes. Un internaute qui a un avatar chat dans un monde 3D comme Blue Mars, Wonderland, Second Life et qui habille cet animal d’une certaine manière, affiche ses goûts de manière plus évidente qu’en portant un petit bijou, par exemple. À travers la modélisation visuelle (un peu le même principe qu’avec les vêtements) de leurs avatars, les utilisateurs, bien loin de se cacher, se montrent et s’exposent beaucoup plus à la critique, parce qu’ils dévoilent leur intériorité. […] C’est comme s’ils arboraient sur la poitrine un haïku qu’ils auraient rédigé eux-mêmes.
Grégoire Cliquet : Ce qui veut dire que plus on est visible, plus on se montre ?
Hugues Aubin : Pas forcément. Mais, en revanche ce qui exprime l’identité, c’est la manière dont on s’expose dans ces environnements 3D massivement multi-utilisateurs, dans lesquels les contenus sont vraiment créés par les usagers (250 000 objets sont créés par les internautes chaque jour dans ces environnements !)
Grégoire Cliquet : Parlons maintenant de la confrontation au réel. Est-ce que quand vous avez rencontré dans le réel des personnages que vous connaissiez sur Second Life, vous avez constaté une différence ? Vous disiez tout à l’heure qu’une personne qui revêt une tenue avec des poèmes de Baudelaire, est très certainement amatrice de ce poète. Est-ce que vous avez ensuite constaté la même tendance dans la vraie vie ? Quelle différence notez-vous entre la première approche « numérique » et ensuite une relation dans le monde physique ? Est-ce que vous sentez effectivement une plus grande proximité, ou du moins une meilleure connaissance de l’individu rencontré au préalable sur Second Life plutôt que sur d’autres plateformes ?
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