« La démarche design fait partie de notre quotidien » – Entretien avec Pascal Gentil de L’Innovathèque

É’KOSSE : faire de la dégradation un avantage

Catherine Bouvard : Vous avez accompagné Caroline Saier en tant que tuteur ; en quoi son projet vous a-t-il intéressé ?

Pascal Gentil : Son approche concernant la valorisation du vieillissement d’un objet est singulière. Caroline Saier envisage la dégradation d’un matériau comme un avantage plutôt qu’un inconvénient qui conduirait à une mise en fin de vie.

Catherine Bouvard : Selon vous, qu’y a-t-il d’innovant dans cette démarche ?

Pascal Gentil : La démarche est innovante par rapport à la fonction habituellement remplie par un coussin élastique. Nous avons contribué au projet de Caroline en lui proposant des matériaux et nous l’avons plutôt orientée vers un objet qui se déforme et reste en position déformée. Un produit friable malléable. C’est une innovation en terme d’usage, une nouvelle exploration du confort sur siège.

Catherine Bouvard : Est-ce qu’il ne s’agit pas d’une logique ancienne qui revient, plutôt que d’une innovation ?

Pascal Gentil : Le seul cas d’usage comparable concerne les poufs remplis de billes en polystyrène ou en verre qui s’adaptent à une morphologie. Or, le produit imaginé par Caroline s’adapte mais acquiert également une apparence vieillie, dégradée tout en restant utilisable. C’est la dimension esthétique ajoutée qui est intéressante.

Catherine Bouvard : Et peut-être aussi la dimension éthique : ne rien ajouter, conserver avec une autre esthétique.

Pascal Gentil : Ce n’est pas si évident. Aujourd’hui, on sait faire des produits souples qui ont une durée de vie assez longue. Même un meuble « jetable » composé de particules de faible épaisseur peut avoir une durée de vie de 10 à 15 ans, alors qu’à priori il n’était conçu que pour 3 à 4 ans. Mais en bricolant, en rafistolant, on parvient à faire durer les choses. On a beaucoup de mal à jeter les meubles, on s’y attache.

Pour en revenir à votre question, donner un aspect durable à un produit pourrait être intéressant, si on avait un matériau friable avec une longue durée de vie. Mais je ne crois pas que ce soit le cas dans le domaine du meuble.

Un fructueux croisement de cultures

Catherine Bouvard : Que vous a apporté cette collaboration avec l’étudiante et avec le design ?

Pascal Gentil : Pour L’Innovathèque, c’est un enrichissement supplémentaire, dans la lignée des croisements de culture que nous privilégions. Cette rencontre nous a permis de lancer une réflexion sur l’utilisation d’un matériau friable pour la conception d’un produit de morphologie d’adaptation. Nous avons un concept en tête mais, pour l’instant, il reste confidentiel.

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