Accompagner l’anorexie de l’adolescent grâce au design : entretien avec Guylaine Sauvaget-Lasserre, Psychologue clinicienne

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Il est toujours pertinent de partir du singulier pour aller vers l’universel, même si la réciproque est vraie. Donc, partant du principe que l’anorexie est une spécificité qui peut servir de base pour une analyse plus générale de l’alimentation chez l’adolescent et l’adulte, la démarche me paraît adaptée. Il s’agit de comprendre comment quelque chose ne s’est pas construit, ou s’est déconstruit, au cours du développement de l’individu, générant ainsi une pathologie. Il était judicieux de la part d’Aurore de se focaliser sur une population cible, qu’elle a bien étudiée. J’appréhendais un peu l’expérience ; je me demandais comment une néophyte pourrait acquérir le savoir nécessaire pour proposer des ateliers et en sortir un concept en matière de design. Cette étudiante a fourni une énorme quantité de travail pour compléter ses connaissances parcellaires en ce domaine, la qualité et la consistance de son mémoire le prouvent bien.

Jean-Patrick Péché : C’est une remarque intéressante : le problème des métiers du design, c’est qu’ils sont par essence transdisciplinaires. Mais malgré cela, il nous faut toujours poser des limites et évaluer les compétences spécifiques. Il est donc intéressant pour nous d’avoir votre point de vue sur la manière dont Aurore a su s’appuyer sur la psychologie.

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Aurore s’est beaucoup, et pertinemment, appuyée sur cette discipline en s’appropriant les concepts qu’elle a étudiés, ce qui apparait dans sa bibliographie et se ressent à la lecture de son mémoire. De ce fait, et au contraire de ce que je perçois quelquefois lorsque j’interviens en faculté, Aurore m’est apparue très ouverte à d’autres disciplines, c’est une qualité d’esprit qui doit être encouragée et développée.

Principe de fonctionnement du Réseau d'Arthur (par Aurore Donnat)

Jean-Patrick Péché : L’ouverture est effectivement ce qu’on essaye d’inculquer aux étudiants. Le designer ne connaît rien à priori sur une problématique, et n’a aucune projection d’ego à faire avant de comprendre ce qui se passe. Cette posture est au cœur de notre pédagogie. On a parlé de la notion d’ « objet ». De cet « objet » qui pouvait être médiateur dans la relation entre le patient et le thérapeute. Pensez-vous qu’on pourrait aller plus loin sur la mise en place, voire la modélisation, d’autres collaborations entre designers et psychologues ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Pourquoi pas, il pourrait y avoir des collaborations intéressantes car le fait de bien cerner le processus psychique de l’individu dans un domaine spécifique ne peut qu’aider le designer dans l’analyse des besoins et des demandes, l’éclairant ainsi dans les perspectives de conception de son objet. Mais en psychologie, comme surement en design, il y a plusieurs écoles. Certains psychologues sont de tendance cognitiviste ou comportementaliste quand d’autres, comme moi, se réfèrent à la psychanalyse ; c’est pourquoi je ramène toujours à la question du « sujet ». Ces propensions déterminant une philosophie, il importera donc à chaque designer de choisir l’orientation du collaborateur à solliciter.

Jean-Patrick Péché : Oui cela me semble particulièrement juste. Le designer répond souvent au-delà des demandes formulées dans le cahier des charges. Vous possédez une bonne vision des métiers de création. Votre inclinaison vers l’art et l’expression plastique y compris pour votre travail de thérapeute a-t-elle modifié votre rapport à l’art et la création.

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