Les cahiers de recherche de L'École de design Nantes Atlantique

10 mars 2011    Entretiens · nouvelles pratiques alimentaires   

Posted by m.saysana

Accompagner l’anorexie de l’adolescent grâce au design : entretien avec Guylaine Sauvaget-Lasserre, Psychologue clinicienne

En plus de son activité de chargée de cours à la faculté de Psychologie de Toulouse, Guylaine Sauvaget Lasserre œuvre depuis vingt ans à la prévention et la socialisation des tout-petits en tant qu’accueillante dans un lieu de type Maison Verte. En 2009-2010, elle a suivi de très près le projet de fin d’études d’Aurore Donnat, alors étudiante en Nouvelles pratiques alimentaires (programme de second cycle). Son intérêt pour l’anorexie chez les jeunes adolescentes a conduit Aurore a développer Le réseau d’Arthur, une alternative au plateau-repas standard, matérialisée par des emballages éco-conçus, dans l’optique de faire du repas un moment convivial, même pour les sujets anorexiques. Guylaine Sauvaget Lasserre répond ici aux questions de Jean-Patrick Péché, designer, consultant et responsable du groupe de recherches Nouvelles pratiques alimentaires ; un entretien où affleurent des questions cruciales sur la place du design dans le domaine de l’alimentaire.


Guylaine Sauvaget-Lasserre, psychologue clinicienne, chargée de cours à l'université de Toulouse


Le design comme « facilitateur d’interdisciplinarité »

Jean-Patrick Péché : Vous avez suivi Aurore Donnat au début de son travail dans la partie où l’on construit la problématique et où l’on instruit le dossier. Trouvez vous incongru ou inopportun qu’une jeune designer s’intéresse à une question aussi sérieuse que les rapports conflictuels entre l’adolescence et l’alimentation ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Je travaille beaucoup sur la notion d’interdisciplinarité. Pour moi, il est important de reconnaître les pratiques et les savoirs singuliers de chacun ; d’encourager les interactions et les complémentarités, en sorte de favoriser l’ouverture. Aussi, pourquoi ne pas laisser s’exprimer un designer désireux de mettre ses compétences à profit dans l’accompagnement de personnes présentant des symptômes d’anorexie ou de boulimie ? Bien sûr, ce professionnel se doit d’accepter de placer son action sur un axe complémentaire à celui des soignants. Je ne connaissais pas le design et, grâce au travail d’Aurore, j’ai découvert que cette pratique croise nombre de disciplines pour arriver à la conception d’un produit. Par exemple, Aurore est allée puiser dans la psychologie et la sociologie comme dans la diététique, bien évidemment puisqu’elle s’intéresse à l’alimentation. Je trouve donc le design très ouvert aux autres domaines.

Jean-Patrick Péché : C’est quelque chose qui est intéressant et agréable à entendre pour moi, designer. Je considère le design comme un facilitateur d’interdisciplinarité.

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Il peut être facilitateur s’il s’intègre et cherche à faire le lien entre les initiatives interdisciplinaires lancées par des acteurs de différents champs d’action.

Atelier d'arts appliqués proposé par Aurore Donnat dans le cadre de son projet de fin d'études "Le réseau d'Arthur"

Jean-Patrick Péché : Sur quel type de posture ou d’action faudrait-il s’appuyer pour justifier de la place du design industriel dans un projet où l’interdisciplinarité est très présente ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Sans chercher à trop généraliser, peut-être en se fondant sur ses finalités propres que je ne connais pas dans le détail mais qui, pour moi, visent à la meilleure présentation possible du produit à proposer. Au départ, j’étais un peu perplexe quant à cette tendance du design à s’introduire dans différents champs. Puis je me suis rendu compte que cette ouverture sur un large éventail de domaines fort variés devait être favorisée pour cette discipline encore jeune… »

Jean-Patrick Péché : C’est le paradoxe de notre activité : nous exerçons un métier aussi vieux que celui d’ingénieur ou d’architecte, mais toujours aussi méconnu en France, Bien qu’il existe depuis que l’industrie existe. Les premiers designers, qui ne s’appelaient pas encore ainsi, travaillaient déjà dans la première moitié du XIXe siècle, mais le design donne toujours l’impression d’un métier débutant. C’est un paradoxe français, moins visible dans d’autres pays limitrophes. Mais cela n’empêche pas le bon développement de ces métiers et l’insertion des jeunes formés au design dans l’économie d’aujourd’hui.

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Le design mérite d’être connu sur un registre autre que celui des produits de luxe, mais le grand public en a plutôt cette image. Je suis heureuse d’avoir découvert comment le design pouvait agir au niveau de l’alimentaire et s’adosser à de nombreuses disciplines. En y regardant de plus près, on s’aperçoit que le design est tentaculaire.

L’art-thérapie : « donner forme à l’informe » en médiatisant la relation

Jean-Patrick Péché : Oui, absolument, c’est l’image perçue par le grand public. Vous-même vous vous êtes intéressée à l’art-thérapie en tant que psychologue. Comment êtes-vous venue à cette activité ? Quelle a été votre motivation ? Pensez-vous que cela complète votre approche des patients ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : L’art-thérapie est effectivement une forme de psychothérapie, mais je me réfère aux « ateliers d’expression » dans un champ thérapeutique tels que développés par J. Broustra. J’y suis venue après m’être beaucoup intéressée à la question du « groupal » en thérapie, et pratiqué le psychodrame. Comme il est souvent difficile pour l’adolescent de n’utiliser que la parole dans un processus de soin, il est intéressant de médiatiser la relation. Je suis ainsi parvenue à des formes de thérapie utilisant des supports qui deviennent médiateurs de la relation tels que l’argile, la peinture, le découpage-collage, et tout ce que l’on peut manipuler dans les arts plastiques, mais je n’y ai recours que dans un dispositif thérapeutique au cours et au terme duquel il s’agit de soutenir la parole de l’adolescent, à partir de son ressenti dans le temps de sa création. Dans sa collaboration avec le professeur Marcel Rufo, Aurore a utilisé ces mêmes supports dans le cadre d’ateliers d’art appliqué où la finalité est tout autre. Dans cette perspective, ce qui lie les personnes, c’est l’objet de la création qu’ils vont éventuellement exposer par la suite. Cela permet une réflexion sur le travail et le culturel, qui ne se fait pas dans le champ thérapeutique.Ce sont donc deux types d’intervention, distincts mais complémentaires, qui apportent des éclairages différents. L’atelier de création (travail sur le packaging dans le cas d’Aurore) peut avoir une incidence sur la pathologie présentée par le participant au groupe, mais c’est un effet induit, plutôt une résultante du processus créatif. C’est ce qui distingue l’effet thérapeutique de la visée thérapeutique.

Ce qui m’a plu dans la démarche d’Aurore, c’est qu’elle a, selon ses dires, adopté une méthodologie différente de celle qui lui a été enseignée. Cela m’a démontré qu’un designer sait être à l’écoute de son objet de recherche, en l’occurrence des adolescents présentant des troubles de l’alimentation. La différentiation faite par Aurore entre contenant et contenu de l’objet travaillé dans son atelier, par rapport à l’anorexie, est très pertinente. L’anorexie est un symptôme assez délicat qui touche majoritairement des adolescentes. C’est par le corps que le symptôme s’exprime. Le fait d’avoir travaillé sur la boîte alimentaire  était une bonne intuition qui a pu déterminer un effet thérapeutique, la notion de contenant pouvant rappeler l’image inconsciente du corps, l’enveloppe du corps Le contenant s’entendant alors comme une métaphore du corps.

Atelier d'arts appliqués proposé par Aurore Donnat dans le cadre de son projet de fin d'études "Le réseau d'Arthur"

Jean-Patrick Péché : Vos remarques font écho à quelque chose d’assez fort relevé dans vos propos. Vous avez utilisé le mot « objet » pour décrire ce que vous faisiez dans ces ateliers d’expression avec vos patients et j’ai cru comprendre que la matérialisation de ces objets permettait la médiatisation de la pathologie ou de la perception par le patient de sa pathologie. Cette notion d’ « objet » est certainement un terrain de rapprochement : ce les designers sont souvent sollicités pour faire des objets ou donner forme à des objets.

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Dans l’exemple auquel je me référais à propos de l’activité d’Aurore, l’objet, c’est la production dans l’atelier. Dans mes propres ateliers d’expression, la forme ou l’esthétique de la production de l’adolescent importent peu car cette production n’est qu’un support à la relation. Pour décrire mes activités de médiation, j’emploie souvent la formule : « donner forme à de l’informe ». Dans le premier temps de mes ateliers, je ne propose pas de forme, alors qu’Aurore proposait cette boite, mais je présente les différents médiateurs déjà cités. Comment une forme va-t-elle surgir de cet informe ? Je m’appuie alors sur les concepts de la gestalt qui est une théorie de la forme. La gestalt peut donc être un terrain de réflexion commune entre la psychologie et le design.

Atelier d'arts appliqués proposé par Aurore Donnat dans le cadre de son projet de fin d'études "Le réseau d'Arthur"

Jean-Patrick Péché : Ces adolescents qui ont un rapport particulier à l’aliment sont-ils dans l’exacerbation des perceptions ? Est-ce une altération des sens ? Est-ce qu’ils ne perçoivent pas les choses de manière plus sensible que le commun des mortels ? Ou au contraire, donnent-ils d’autres significations à leurs perceptions ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : La question des perceptions et représentations est un problème complexe. Pour envisager celles qui se forment tôt dans le développement, telles que celles du plaisir de la nourriture chez le nourrisson, il convient de remonter à la naissance du psychisme. Je n’ai pas assez travaillé avec des adolescentes anorexiques pour savoir si leurs perceptions des aliments sont exacerbées. L’anorexie est avant tout une pathologie de l’image du corps, comme je le disais tout à l’heure, et ne porte pas simplement sur le rapport à l’aliment. C’est une atteinte au niveau de l’image inconsciente du corps, un symptôme qui a du sens par rapport à une pathologie que je vous définissais tout à l’heure comme une « pathologie du contenant ». Bien sûr, les personnes anorexiques ont des perceptions altérées puisque leur perception du corps est complètement erronée : elles se trouvent grosses alors qu’objectivement elles ne le sont pas, car l’image idéale vers laquelle tend l’anorexique est une image qui met à distance les indices de sa féminité. Par ailleurs, tout ce qui est de l’ordre du déplaisir, du dégoût est en effet exacerbé, mais à l’adolescence tout est exacerbé. Alors la question doit être résolue au cas par cas : les troubles présentés par cette jeune sont-ils partie intégrante du processus d’adolescence ou bien, au contraire déclenchés par sa pathologie ?

Le design peut « réintroduire du sensoriel dans l’expérience alimentaire »

Jean-Patrick Péché : J’imagine que cette question donne lieu à beaucoup de travaux de recherche. Cette pathologie profonde empêche les sujets d’aller vers une jouissance. Selon Brillat-Savarin : « Le goût est le sens qui nous procure le plus de jouissance ». Faut-il comprendre que leur refus de se nourrir équivaut à un refus d’atteindre la jouissance ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Ces personnes ont une jouissance autre mais, comme le concept de jouissance est protéiforme, et une possible équivoque dans notre échange tient au fait que nous employons des mots qui recèlent des acceptions différentes dans nos domaines respectifs, du design et de la psychologie. Pour moi, l’anorexique est dans une quête insatiable de jouissance, mais pas au sens où vous l’entendez. Je parlerai plutôt de « plaisir », notion à différencier de celle de jouissance. D’ailleurs, je tiens à spécifier que les acceptions diffèrent même entre psychologie et psychanalyse. Je ne pense donc pas que les sujets anorexiques puissent trouver du plaisir dans l’alimentation. En revanche, elles peuvent retrouver ce plaisir au travers de leur vécu dans des ateliers sur l’alimentation du type de ceux initiés et animés par Aurore, donc dans le partage. J’ignore comment le plaisir partagé peut se mettre en œuvre dans une démarche de designer mais, comme Aurore l’a bien compris, je pense que le designer doit se pencher sur les phénomènes de bande, de groupe, « d’être avec l’autre », avec ces pairs si chers aux adolescents, car les choses partagées se basent sur cette notion de bande, de pairs.

Atelier d'arts appliqués proposé par Aurore Donnat dans le cadre de son projet de fin d'études "Le réseau d'Arthur"

Jean-Patrick Péché : Vous faites ici référence à des travaux sur lesquels nous avons planché l’année dernière, au sujet de l’alimentation des jeunes adultes et plus particulièrement de la consommation de fruits et légumes. Avec l’aide d’un sociologue, nous avons observé comment les jeunes consommaient en bande, et nous avons pu comprendre le symbolisme inhérent au partage d’une pizza, d’un paquet de chips, et même du « faux partage », c’est-à-dire quand chacun commande son hamburger et va s’asseoir à la même table dans un fast food. L’expérience s’est révélée fort intéressante. Le partage permet de dépasser ce que vous décriviez. Mais j’aurais encore une autre question : vous qui faites des ateliers d’expression plastique avec le même type de population, pensez-vous que travailler avec un chef cuisinier pourrait enrichir votre travail auprès des patients ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Je ne le pense pas, mais il me semble que cette perspective pourrait être intéressante dans des ateliers d’art appliqué culinaire car les chefs cuisiniers ont un savoir que ne possèdent pas obligatoirement les soignants, ou les designers, sur la structure moléculaire des aliments, leur préparation ou leur présentation. Malgré cela, pour conduire son travail, Aurore, sans être chef cuisinier, est partie du quotidien alimentaire de ces adolescents dans le cadre de l’hôpital, (barquettes de repas « un peu insipides », « informes », « pas très sympathiques », etc.) en se donnant pour objectif d’y réintroduire le sensoriel. Nous sommes tous singuliers et notre acuité sensorielle nous est propre ; par exemple, certains adolescents reniflent systématiquement les aliments avant de les manger, ce qui n’est pas une pratique courante.

Le designer se nourrit d’une discipline connexe (la psychologie) et vice-versa

Jean-Patrick Péché : Revenons au travail d’Aurore. Elle a d’abord travaillé sur les adolescents et l’anorexie pour évoluer ensuite vers l’alimentation des ados et des jeunes adultes en général. Cette méthode : partir d’une pathologie pour y apprendre des choses – puisque c’est visiblement le cas pour Aurore – puis appliquer une partie de ces constats à la constitution de produits ou d’aliments pour jeunes adultes vous semble pertinente ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Il est toujours pertinent de partir du singulier pour aller vers l’universel, même si la réciproque est vraie. Donc, partant du principe que l’anorexie est une spécificité qui peut servir de base pour une analyse plus générale de l’alimentation chez l’adolescent et l’adulte, la démarche me paraît adaptée. Il s’agit de comprendre comment quelque chose ne s’est pas construit, ou s’est déconstruit, au cours du développement de l’individu, générant ainsi une pathologie. Il était judicieux de la part d’Aurore de se focaliser sur une population cible, qu’elle a bien étudiée. J’appréhendais un peu l’expérience ; je me demandais comment une néophyte pourrait acquérir le savoir nécessaire pour proposer des ateliers et en sortir un concept en matière de design. Cette étudiante a fourni une énorme quantité de travail pour compléter ses connaissances parcellaires en ce domaine, la qualité et la consistance de son mémoire le prouvent bien.

Jean-Patrick Péché : C’est une remarque intéressante : le problème des métiers du design, c’est qu’ils sont par essence transdisciplinaires. Mais malgré cela, il nous faut toujours poser des limites et évaluer les compétences spécifiques. Il est donc intéressant pour nous d’avoir votre point de vue sur la manière dont Aurore a su s’appuyer sur la psychologie.

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Aurore s’est beaucoup, et pertinemment, appuyée sur cette discipline en s’appropriant les concepts qu’elle a étudiés, ce qui apparait dans sa bibliographie et se ressent à la lecture de son mémoire. De ce fait, et au contraire de ce que je perçois quelquefois lorsque j’interviens en faculté, Aurore m’est apparue très ouverte à d’autres disciplines, c’est une qualité d’esprit qui doit être encouragée et développée.


Principe de fonctionnement du Réseau d'Arthur (par Aurore Donnat)

Jean-Patrick Péché : L’ouverture est effectivement ce qu’on essaye d’inculquer aux étudiants. Le designer ne connaît rien à priori sur une problématique, et n’a aucune projection d’ego à faire avant de comprendre ce qui se passe. Cette posture est au cœur de notre pédagogie. On a parlé de la notion d’ « objet ». De cet « objet » qui pouvait être médiateur dans la relation entre le patient et le thérapeute. Pensez-vous qu’on pourrait aller plus loin sur la mise en place, voire la modélisation, d’autres collaborations entre designers et psychologues ?

Guylaine Sauvaget-Lasserre : Pourquoi pas, il pourrait y avoir des collaborations intéressantes car le fait de bien cerner le processus psychique de l’individu dans un domaine spécifique ne peut qu’aider le designer dans l’analyse des besoins et des demandes, l’éclairant ainsi dans les perspectives de conception de son objet. Mais en psychologie, comme surement en design, il y a plusieurs écoles. Certains psychologues sont de tendance cognitiviste ou comportementaliste quand d’autres, comme moi, se réfèrent à la psychanalyse ; c’est pourquoi je ramène toujours à la question du « sujet ». Ces propensions déterminant une philosophie, il importera donc à chaque designer de choisir l’orientation du collaborateur à solliciter.

Jean-Patrick Péché : Oui cela me semble particulièrement juste. Le designer répond souvent au-delà des demandes formulées dans le cahier des charges. Vous possédez une bonne vision des métiers de création. Votre inclinaison vers l’art et l’expression plastique y compris pour votre travail de thérapeute a-t-elle modifié votre rapport à l’art et la création.

Guylaine Sauvaget-Lasserre : La fréquentation de l’art, sous toutes ses formes : visites de musées ou d’expositions, lecture, musique… nourrit la sensibilité et amène à plus de ressenti. C’est un enrichissement sur lequel s’appuyer dans l’animation d’un atelier de création, quand l’objet vise une production finie. Il devient alors possible de « faire à la manière » d’un artiste reconnu, de répliquer ses techniques, de s’approprier une part de ce qu’il a lui-même développé, ce qui modifie et améliore, nos propres créations.

Pour autant, comme dans les ateliers que j’anime, lorsque l’objet de l’atelier tend à la thérapie, il ne s’agit pas de produire de l’art mais que le sujet qui crée se laisse aller à ses émotions, ses ressentis, aux affects qu’il traverse pendant sa production.

Le réseau d’Arthur (Aurore Donnat) présenté par Jocelyne Le Boeuf, Directrice des études à L’École de design Nantes Atlantique

Les emballages éco-conçus du projet "Le Réseau d'Arthur"

Comment accompagner les jeunes adultes, en particulier les anorexiques, dans l’apprentissage des pratiques alimentaires en maison des adolescents.

Immersion dans un service dédié aux pathologies de l’adolescence

Plusieurs journées d’observation et d’animation d’ateliers au sein de « l’espace Arthur », dans le service du professeur Rufo (1) à l’hôpital Sainte-Marguerite de Marseille, ont permis à Aurore Donnat de mener une réflexion sur la pertinence du design pour réapprendre aux adolescents l’acte de se nourrir. Ses recherches ont rencontré un terrain propice à l’innovation. « L’espace d’Arthur » est en effet un lieu où l’on expérimente de nouveaux systèmes de soins (2) et où ce qui réunit les adolescents, « ce n’est pas l’origine de la pathologie, ni la nature de leurs maux mais le simple fait d’être adolescents et donc dans une période de changements importants dans leur vie ».

Dans le cadre d’ateliers culinaires, Aurore Donnat a effectué un travail sur les aspects sensoriels afin de mieux saisir le rapport entre adolescents, nourriture et rituel des repas. Elle a ainsi pu constater à quel point le plateau-repas fourni en restauration collective avait mauvaise presse (le dégoût engendré par la vision de l’eau condensée sur le plastique des plats réchauffés, comparée à de la sueur). Elle a observé l’intérêt ou le rejet suscité par certaines recettes inédites. Elle a pu également mesurer l’impact des emballages au cours d’ateliers d’arts appliqués où était abordée la question des matériaux et des codes graphiques.

Son observation de terrain a été complétée par des recherches documentaires sur la formation du goût, de l’enfance à l’adolescence, et sur les différentes approches de l’anorexie mentale.

Le réseau d’Arthur

Il s’agit de trouver une alternative au plateau-repas standard, qui véhicule une image négative de la cantine, tant sur le plan de la forme que sur celui du contenu. Le projet consiste à dessiner un nouveau réseau d’acteurs où les cuisines collectives sont remplacées par une cuisine de proximité. L’établissement d’une charte, prône des recettes adaptées aux adolescents. De nouveaux emballages éco-conçus adoptent des formes qui évoquent les pratiques alimentaires issues du « snacking ». Il ne s’agit pas seulement de s’alimenter mais de faire du repas un moment convivial que les adolescentes anorexiques pourraient avoir envie de partager.

Notes :

1 – Marcel Rufo, La vie en désordre : voyage en adolescence, éditions Anne Carrière, 2007.

2 – Ceux-ci se développent en France à travers les maisons de l’adolescence, telle la Maison de Solenn à Paris – http://www.mda.aphp.fr

Visitez le blog animé par Aurore Donnat at Sarah Bénichou sur le design alimentaire

Retrouvez Jocelyne Le Boeuf sur son blog Design et histoire(s)

Qui est Guylaine SAUVAGET LASSERRE ?

Psychologue clinicienne, elle exerce depuis trente ans auprès d’adolescent(e)s accueillis en Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique (ITEP) à l’ADSEA du Gers.

Formée au psychodrame, elle est diplômée de l’Institut Français de groupe et de Psychodrame. Elle articule aussi sa clinique de groupe sur les ateliers d’expression en référence à la théorie du psychiatre et psychanalyste J. Broustra, ancien chef de service de l’hôpital « Garderose » de Libourne, ainsi que sur la thérapie familiale psychanalytique développée par le pédopsychiatre P. Benghozi, chef de service du secteur infanto juvénile de Hyères.

Engagée depuis vingt ans dans la prévention et la socialisation des tout-petits, elle est accueillante dans un lieu de rencontre parents enfants, de type Maison Verte, créée par Françoise Dolto.

Son désir de transmission l’a conduite à devenir chargée de cours à la faculté de Psychologie de Toulouse, et à soutenir les étudiants en qualité de maître de stage.

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