Accompagner l’anorexie de l’adolescent grâce au design : entretien avec Guylaine Sauvaget-Lasserre, Psychologue clinicienne
Guylaine Sauvaget-Lasserre : L’art-thérapie est effectivement une forme de psychothérapie, mais je me réfère aux « ateliers d’expression » dans un champ thérapeutique tels que développés par J. Broustra. J’y suis venue après m’être beaucoup intéressée à la question du « groupal » en thérapie, et pratiqué le psychodrame. Comme il est souvent difficile pour l’adolescent de n’utiliser que la parole dans un processus de soin, il est intéressant de médiatiser la relation. Je suis ainsi parvenue à des formes de thérapie utilisant des supports qui deviennent médiateurs de la relation tels que l’argile, la peinture, le découpage-collage, et tout ce que l’on peut manipuler dans les arts plastiques, mais je n’y ai recours que dans un dispositif thérapeutique au cours et au terme duquel il s’agit de soutenir la parole de l’adolescent, à partir de son ressenti dans le temps de sa création. Dans sa collaboration avec le professeur Marcel Rufo, Aurore a utilisé ces mêmes supports dans le cadre d’ateliers d’art appliqué où la finalité est tout autre. Dans cette perspective, ce qui lie les personnes, c’est l’objet de la création qu’ils vont éventuellement exposer par la suite. Cela permet une réflexion sur le travail et le culturel, qui ne se fait pas dans le champ thérapeutique.Ce sont donc deux types d’intervention, distincts mais complémentaires, qui apportent des éclairages différents. L’atelier de création (travail sur le packaging dans le cas d’Aurore) peut avoir une incidence sur la pathologie présentée par le participant au groupe, mais c’est un effet induit, plutôt une résultante du processus créatif. C’est ce qui distingue l’effet thérapeutique de la visée thérapeutique.
Ce qui m’a plu dans la démarche d’Aurore, c’est qu’elle a, selon ses dires, adopté une méthodologie différente de celle qui lui a été enseignée. Cela m’a démontré qu’un designer sait être à l’écoute de son objet de recherche, en l’occurrence des adolescents présentant des troubles de l’alimentation. La différentiation faite par Aurore entre contenant et contenu de l’objet travaillé dans son atelier, par rapport à l’anorexie, est très pertinente. L’anorexie est un symptôme assez délicat qui touche majoritairement des adolescentes. C’est par le corps que le symptôme s’exprime. Le fait d’avoir travaillé sur la boîte alimentaire était une bonne intuition qui a pu déterminer un effet thérapeutique, la notion de contenant pouvant rappeler l’image inconsciente du corps, l’enveloppe du corps Le contenant s’entendant alors comme une métaphore du corps.
Jean-Patrick Péché : Vos remarques font écho à quelque chose d’assez fort relevé dans vos propos. Vous avez utilisé le mot « objet » pour décrire ce que vous faisiez dans ces ateliers d’expression avec vos patients et j’ai cru comprendre que la matérialisation de ces objets permettait la médiatisation de la pathologie ou de la perception par le patient de sa pathologie. Cette notion d’ « objet » est certainement un terrain de rapprochement : ce les designers sont souvent sollicités pour faire des objets ou donner forme à des objets.
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