« La démarche design fait partie de notre quotidien » – Entretien avec Pascal Gentil de L’Innovathèque
Pascal Gentil : La question du prix, la recherche de la performance sont des problématiques récurrentes. On nous sollicite également sur la possibilité de personnaliser les produits pour permettre à l’utilisateur final d’avoir un produit unique. C’est une idée fréquente, mais on s’aperçoit que, dans les faits, un produit au design réussi convient à tout le monde. Certains traversent le temps sans avoir besoin d’être modifiés. Quelles sont les tendances actuelles du marché ? La volonté des industriels et peut-être des consommateurs de revenir à des produits plus européens, voire français.
Catherine Bouvard : Un marché local ?
Pascal Gentil : Plutôt national. Car il y a une inquiétude concernant l’impact environnemental des produits importés et la qualité des matériaux utilisés.
Catherine Bouvard : Mais cela se heurte à la logique de prix !
Pascal Gentil : Oui, tout à fait.
Catherine Bouvard : Qui gagne ?
Pascal Gentil : Aujourd’hui, c’est le prix. Mais il faudrait arriver à une nouvelle logique de consommation, selon laquelle on accepterait de conserver plus longtemps des produits. De toute façon, les produits sont durables, mais nos habitudes de consommation nous poussent à les renouveler.
Catherine Bouvard : Une révolution plus culturelle que technologique…
Pascal Gentil : Oui, un mode de consommation différent : avec un budget identique, on achèterait un objet d’une valeur ajoutée plus importante, que l’on conserverait plus longtemps. C’est possible : on conserve une économie identique, mais on fabrique et utilise différemment.
Catherine Bouvard : Les produits à mémoire de forme peuvent trouver une place dans ce système.
Pascal Gentil : Tout à fait. De même que le re-conditionnement, la réparation de produits, l’interchangeabilité. De nombreux meubles ont des pièces changeables.
Catherine Bouvard : C’est une tendance qui revient ?
Pascal Gentil : Je ne pense pas que cela soit une tendance. Mais ce serait souhaitable pour permettre à des industries nationales de fabriquer des produits à forte valeur ajoutée pour une plus grande viabilité des entreprises. Parce qu’aujourd’hui, pour se battre sur le marché de la très grande consommation, il faut pratiquer des prix très bas tout en investissant et en ayant des moyens de production très élevés. Cela nécessite de s’implanter sur des marchés extrêmement importants pour amortir les coûts. Un marché national n’est pas suffisant. Les constructeurs automobiles s’en accommodent, mais à grand peine.
Propos recueillis par Catherine Bouvard,
responsable pédagogique du programme thématique Mutations du cadre bâti, juin 2010.
Qui est Pascal Gentil ?
Pascal Gentil a 50 ans. De 1984 à 1987, il a développé des équipements pour les gaz de laboratoire, le médical et l’industrie. De 1987 à 2007, il a été Responsable R&D dans l’univers du mobilier professionnel. En collaboration avec des designers, il développait des produits mettant en œuvre des matériaux polymères, du bois, des matériaux souples, des métaux, etc. Il est également versé dans les modélisations tridimensionnelles CAO, les calculs de structures, les prototypages, les essais.
Il joue un rôle d’interface technique entre designers, commerçants et utilisateurs. Il est membre de comités de normalisation européens et président de la commission française de normalisation du mobilier de bureau.
Depuis 2007, il est Responsable technique de l’Innovathèque, centre de ressources en matériaux, procédés et systèmes de l’Institut Technologique FCBA. Ses missions : détecter les sources d’innovation pour les créatifs et les industriels afin de les transférer dans divers projets de tous secteurs.
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