« Le repas reste un moment extrêmement intense de cristallisation de l’imaginaire familial. »

Entretien avec Jean-Jacques Boutaud, sémiologue

« Transfert(s) de connaissance » : les entretiens

Depuis 2008, l’équipe de rédaction de CADI mène un travail d’enquête consacré au thème « Transfert(s) de connaissance », basé sur des interviews de personnalités ayant accepté d’encadrer nos étudiants de 5e année lors de leur projet de fin d’études. Il s’agit de constituer un corpus de témoignages permettant de mieux saisir les modes de collaboration et de représentation à l’œuvre entre les différents acteurs de l’innovation et de la création dans le contexte des enjeux économiques, culturels et environnementaux de nos sociétés.Depuis mars 2010, la version papier a fait place à une publication en ligne…

Jean-Jacques Boutaud est professeur de communication à l’Université de Bourgogne et spécialiste en sémiologie et sémiotique. Il s’intéresse plus particulièrement aux arts de la table et a publié plusieurs ouvrages sur les relations entre sémiotique et communication. La communication des univers sensibles est un thème essentiel de recherche au sein du laboratoire qu’il dirige, dont les travaux portent sur l’Image, les Médiations et le Sensible en Information-Communication (LIMSIC).

1001 saveurs, projet de fin d'études de Morgane Bily encadré par Jean-Jacques Boutaud, 2008-2009

Ré-enchanter notre quotidien à tout prix

CADI : Quelle est la différence entre sensoriel et sensible ?

J.J.B. : Le sensoriel désigne tout ce qui a trait à l’activité des sens et sensations. Cette distinction est très importante si l’on peut analyser la mobilisation des sens séparément  (l’olfaction, le goût, le toucher), on envisage de plus en plus leurs activités combinées. C’est ce que l’on appelle la synesthésie, ou comment les sens peuvent œuvrer en commun.

Le sensible, lui, gravite autour du besoin de réenchanter notre quotidien non seulement à travers le sens mais également les sens, les sensations et les émotions, et donc de vivre toutes nos activités, le travail et la vie familiale sur le mode sinon du plaisir, du moins sur le mode d’une expérience positive. Personne ne souhaite souffrir, évidemment ! Mais ce terrain est glissant, s’y engager revient à ouvrir la boîte de Pandore. Même dans une société actuelle difficile à vivre, avec nombre de problèmes, tous les individus ont en eux ce besoin de réenchanter leur quotidien. Répondre à ce besoin fait partie de notre travail de spécialistes de la communication.

La troisième dimension de nos activités est la dimension symbolique, au-delà du sensoriel et du sensible, c’est-à-dire la construction idéale de l’image de soi dans le rapport aux autres. Le symbolique met toujours en jeu un mot-clé très difficile à travailler : l’identité. Il peut s’agir aussi bien de l’identité d’une marque que de celle d’un lieu, de l’identité conférée à un objet et à toutes les organisations et associations qui peuvent voir le jour entre les personnes. Évidemment, ces trois dimensions sont étroitement liées.

CADI : Quels sont donc les enjeux essentiels de ces trois grands axes sur lesquels vous vous penchez ?

Page 1 of 9 | Next page