Sciences fiction et design : Jules Verne vs Léonard de Vinci

« Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l’eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l’assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu’ils transportent« . (Carnets, Léonardo da Vinci, volume I. « Prolegomena and general introduction to the book on painting » in The Notebooks of Leonardo da Vinci édité par Jean Paul Richter, 1880).

L’ange du mal et l’ange du bien ? Bien sûr, ce n’est pas si simple.

Dessin vs littérature

Nous voulions donc ici seulement comparer la capacité de projection de la littérature de Jules Verne à la capacité de projection de Léonard de Vinci en qualité de dessinateur versé dans l’observation analytique. Il n’est pas question ici d’en faire une loi plus générale !

Quand le design se déconnecte du « réel »

Quel designer n’a jamais entendu de son auditoire une remarque du type : « Mais c’est de la science-fiction mon bon ami ! ». Quel était alors le problème ? Pourquoi la proposition présentée semblait-elle si déconnectée d’une prochaine mise en fabrication ? On demande pourtant au design de faire « différent », de donner forme à l’innovation. À travers sa capacité à « représenter » des futurs probables, de nouvelles relations entre l’homme et la technologie, le designer, fait de facto un peu de science-fiction, à sa manière, et il doit penser ou du moins « dessiner » un peu plus loin que ce qu’il lui est souvent proposé.

En « forme » de conclusion

Les plus grands films de science-fiction font appel aux designers pour donner forme aux idées des auteurs. Leur travail ne peut faire l’économie d’une longue réflexion sur le sens de l’œuvre, le choix d’un monde narratif sensible, parfois plurisensoriel, où chaque composant est « re-codé ». Voici quelques exemples :

-       la forme de la lumière dans le film Blade Runner (film étasunien de Ridley Scott, 1982, inspiré du roman « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » écrit en 1966 par Philip K. Dick),

-       la forme symbolique de la représentation du savoir dans le film 2001, l’Odyssée de l’espace » (film britanno-étasunien de Stanley Kubrick 1968, d’après plusieurs nouvelles d’Arthur C. Clarke et notamment La Sentinelle,1951),

-       la forme de nouveaux modes d’usage quotidiens revisités dans le film Le cinquième Élément (film français de Luc Besson sorti en 1997).

Ce qui est intéressant du point de vue du design, c’est que travailler pour un film de science-fiction ou une cafetière pour un industriel de l’électroménager, c’est toujours du design… plus ou moins prospectif.

La capacité du designer à dessiner ces « représentations » s’appuie sur sa capacité à caractériser ses représentations, ce qu’il fait de manière particulièrement pertinente quand il travaille en collaboration avec les sciences humaines et sociales.

Les designers aimeraient avoir plus souvent des écrivains de science-fiction comme clients… Non pas pour sortir du quotidien (le designer est censé travailler le plus souvent pour le monde actuel et son économie réelle), mais peut-être pour élargir notre capacité à rêver notre monde, qu’il soit sombre ou lumineux…

Finalement le designer œuvre pour que la technologie soit au service de l’homme, ou du moins de sa technologie rêvée…

Jean-Patrick Péché designer, consultant formateur, conférencier, responsable du groupe de recherche sur les Nouvelles Pratiques alimentaires


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