Entretien avec Thomas Bottini, chercheur en informatique musicale
« Transfert(s) de connaissance » : les entretiens
Depuis 2008, l’équipe de rédaction de CADI mène un travail d’enquête consacré au thème « Transfert(s) de connaissance », basé sur des interviews de personnalités ayant accepté d’encadrer nos étudiants de 5e année lors de leur projet de fin d’études. Il s’agit de constituer un corpus de témoignages permettant de mieux saisir les modes de collaboration et de représentation à l’œuvre entre les différents acteurs de l’innovation et de la création dans le contexte des enjeux économiques, culturels et environnementaux de nos sociétés. Depuis mars 2010, la version papier a fait place à une publication en ligne…
Thomas Bottini est ingénieur informaticien diplômé de L’Université de Technologie de Compiègne. Son parcours l’a conduit à suivre, parallèlement à sa formation d’ingénieur, une formation en sciences humaines et philosophie des contenus liés à la création artistique. Ses recherches actuelles sur l’instrumentation des pratiques de lecture et d’écriture « savantes » de documents multimédias témoignent de son intérêt pour l’étude des rapports entre technologie numérique et création artistique. Dans ce cadre il est amené à collaborer avec des musicologues de l’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique) sur l’élaboration d’un environnement d’analyse musicale multimédia. En 2006, il a réalisé un outil d’aide à la mise en tableau en analyse musicale (Musique Lab Annotation).
Informatique musicale et paradoxe réel/virtuel
CADI : Qu’est-ce que l’informatique musicale ? Qui en sont les usagers ?
T.B. : L’informatique musicale regroupe plusieurs choses. Plaçons-nous du point de vue de la composition musicale assistée par ordinateur (CAO), puisque c’est de cela que traite le projet d’Aurélien Pasquier. Celle-ci remonte aux années cinquante, quand des chercheurs de grandes universités américaines ont commencé à analyser des œuvres musicales existantes de façon automatique. De ces travaux sont nés les outils de composition servant à générer de la musique. Ceux-ci peuvent être abordés selon deux approches : une approche musicale et une approche sonore. L’approche musicale consiste à utiliser l’ordinateur pour générer des structures musicales (notes, mélodies, variations, thèmes etc.), et est donc plutôt orientée vers l’écriture. L’approche sonore a quant-à-elle davantage trait à la synthèse sonore et à la création de nouveaux sons, afin de découvrir de nouveaux paysages sonores. Un point fondamental pour comprendre l’informatique musicale, et la musique en général, est la tension entre ces deux dimensions, entre le discours musical incarné par les notes d’une part, et les corps sonores dans lesquels il s’incarne d’autre part(sa dimension acoustique). Pour le dire simplement, il s’agit de la tension entre l’ « abstrait » et le « concret ». L’informatique musicale n’a fait que renforcer la nécessité de prendre conscience de cette binarité structurante en musique. Des recherches se mènent donc en parallèle depuis environ soixante ans dans ces deux grands domaines. D’une part, il y a les synthétiseurs, qui ont évolué jusqu’à s’ « inviter » à l’intérieur des ordinateurs (il existe des synthétiseurs logiciels aussi puissants que les synthétiseurs matériels), c’est la partie sonore. D’autre part, les outils d’écriture aident à formaliser les idées musicales, une sorte de partition augmentée qui permet d’écrire la musique, non pas seulement de générer des sons, mais d’écrire des mélodies, des thèmes, d’élaborer et de manipuler des structures, etc. C’est dans cette catégorie que se rangerait l’outil d’assistance à l’écriture musicale développé par Aurélien.
Certains outils allient ces deux grandes fonctions. Reason, que vous évoquez, offre un très vaste spectre de fonctionnalités, aussi bien en termes de synthèse que de manipulation de structures musicales simples, ce qui permet d’assumer de A à Z l’écriture d’une œuvre. Toutefois, son positionnement très grand public, et le marketing ciblé « musique électronique simpliste », font que cet outil est finalement très peu innovant, et n’exploite pas suffisamment les potentialités des environnements numériques.
CADI : Dans son mémoire, Aurélien évoque le paradoxe réel / virtuel de ces outils qui sont virtuels mais tentent de recréer les modes d’interaction du réel, bridant ainsi leurs possibilités.
T.B. : La question de la métaphore du monde réel est une de mes thématiques principales aussi bien en recherche qu’en pédagogie. Les possibilités de l’ordinateur sont énormes, mais celles-ci ne sont pas immédiatement compréhensibles ni perceptibles par l’utilisateur. On s’efforce donc de plonger l’utilisateur dans une interface montrant des objets qui lui seraient familiers. Ceci explique pourquoi les logiciels informatiques, si compliqués soient-ils, sont souvent basés sur une imitation d’outils réels (table de mixage, câbles, boutons et potentiomètres de synthétiseurs, etc.). Le problème est que d’un point de vue fonctionnel l’outil « virtuel » numérique est bien plus performant et offre davantage de possibilités que l’outil « réel ». Or comme on ne possède pas encore les catégories représentationnelles, esthétiques, physiques pour appréhender ces fonctions, on utilise les représentations familières. Effectivement c’est une démarche réductrice qui empêche de percevoir et comprendre la nature de la puissance que peut apporter l’ordinateur.
CADI : Quels sont les grands axes de recherche et enjeux dans les domaines de l’informatique musicale appliquée à la création et de la CMAO ?
T.B. : Ce milieu est assez ramifié, et extrêmement pluridisciplinaire. Il y a donc probablement des centaines de réponses à votre question. Du fait des explosions fonctionnelles des possibles qui se sont opérées au cours des soixante dernières années grâce à l’augmentation des capacités des ordinateurs, ces outils courent le risque d’être inintelligibles pour l’utilisateur final. L’objectif est d’arriver à fournir une interface claire, manipulable, compréhensible qui puisse tirer parti de toute cette richesse fonctionnelle. L’heure n’est plus seulement à trouver des algorithmes de synthèse encore plus puissants (désormais on peut faire ce que l’on veut sur le plan technique). Le vrai enjeu consiste plutôt à Comprendre quelles interfaces, quelles représentations, quels gestes, quels logiciels, quels matériels devons-nous concevoir pour interagir avec cette richesse fonctionnelle. Nous sommes loin d’avoir atteint cet objectif car nous travaillons avec des outils rigides, très contraignants et pas très bien conçus. Peu de designers et d’ergonomes travaillent sur ce genre d’outils. Tout reste donc à faire.
« L’outil ne doit pas déposséder l’humain de son intelligence »
CADI : L’enjeu serait donc de créer des interfaces qui facilitent l’utilisation ?
T.B. : Avant même de faciliter l’utilisation, il faudrait concevoir une interface qui puisse permettre à l’utilisateur de comprendre ce qu’il a sous la main. Sur un synthétiseur, une liste de boutons s’offre à vous, chacun correspondant à une fonctionnalité. Vous comprenez donc aisément le mécanisme. En revanche, sur un ordinateur, les menus extrêmement ramifiés, très complexes s’appréhendent très difficilement d’un point de vue sensible, sensoriel. Avant même de guider l’utilisateur, il convient donc de l’amener à une « prise de conscience sensorielle » de l’outil qu’il manipule.
CADI : Dans ce contexte, quel rôle les designers jouent-ils ou pourraient-ils jouer ?
T.B. : Actuellement, ils ne jouent qu’un rôle très limité dans ce secteur d’activité : c’est une industrie qui n’en est pas vraiment une et qui représente très peu de parts de marché. Elle se constitue d’initiatives bricolées au fond de garages par de petites entreprises qui n’ont que quelques employés, ou de projets de recherche. Je crois qu’il n’y a aucun travail d’ergonomie ni même, bien en amont de l’ergonomie, de design qui soit appliqué à ce type d’outils. Il y a donc un vrai champ à explorer. Je nourris l’espoir qu’un jour, il se produise une rencontre entre les domaines de l’informatique, de la musique et du design dans le but de créer des outils plus accessibles pour les néophytes comme les compositeurs chevronnés.
CADI : Il ne faudrait pas non plus tomber dans la vulgarisation à outrance.
T.B. : Pour cela, il faut faire du design d’interface intelligent qui puisse donner les moyens aux gens de comprendre comment fonctionnent les outils qu’ils ont entre les mains sans leur en proposer une version vulgarisée. La vulgarisation serait la métaphore de type Reason qui consiste à tout ramener à des objets du monde réel pour éviter de déstabiliser l’utilisateur et de le mettre en danger.
CADI : Le terme « interface intelligente » mérite que l’on s’y attarde. Comment définiriez-vous une interface intelligente ?
T.B. : Ce qui est certain : ce n’est certainement pas une interface qui pense à votre place ou qui effectue des tâches toute seule. Concevoir ce type d’interfaces serait une grave erreur. Il ne faut jamais déposséder l’être humain de son intelligence. Au contraire, il faut l’aider à penser. Il faut lui fournir des représentations, des objets, des procédures qui sont des béquilles à son imagination, pour citer Boulez. Les dispositifs de composition et d’écriture musicale doivent devenir une prolongation de son corps au même titre qu’un instrument de musique. Pour cela, il ne s’agit pas de créer des outils qui prennent le relais sur la pensée de l’utilisateur mais, au contraire, la secondent en s’intégrant dans son flux gestuel et cognitif.
CADI : C’est à ce stade de la conception des outils que le designer devrait intervenir ?
T.B. : Ce serait en effet formidable. Pour l’instant, l’innovation fonctionnelle, c’est-à-dire celle qui provoque de nouvelles façons de faire et de penser la création musicale, s’effectue davantage au sein des laboratoires de recherche et des petites entreprises qui innovent. Les petites structures qui explorent des idées nouvelles et osent proposer des modes de représentation inventifs n’ont sans doute pas les moyens de conduire un travail de design conséquent pour valider leurs propositions et développer les usages qu’elles mériteraient. Au contraire, les groupes industriels qui disposent de moyens plus importants, ne semblent pas ressentir la nécessité de ce travail de design et n’innovent quasiment pas, nous proposant depuis des années les mêmes interfaces (pistes, tables de mixages virtuels, etc.).
Sus à la métaphore du monde réel en informatique musicale
CADI : Il est vrai que si les technologies informatiques évoluent, les interfaces, elles, restent similaires et ne s’améliorent pas beaucoup. En quoi le projet d’Aurélien Pasquier, MUE (environnement musical évolutif), visant à favoriser l’expérience sonore et visuelle des interfaces de CMAO et à créer un lien entre l’outil informatique et l’inconscient de l’individu mélomane, vous a-t-il intéressé ?
T.B. : Initialement, c’est le postulat de base de ce projet qui a suscité mon intérêt car il constitue une très bonne analyse de la situation. Oui, il y a un réel problème de représentation dans les outils informatiques : la métaphore du monde réel, trop restrictive, ne fonctionne pas. Il faut avoir recours à l’expérimentation pour remédier à cette situation. Ensuite, j’ai pu découvrir ce qu’Aurélien avait concrètement réalisé et il y a beaucoup de propositions d’interfaces (notamment en ce qui concerne la façon dont différents modules peuvent interagir au sein d’un environnement cohérent) qui s’avèrent très pertinentes et mériteraient une véritable réalisation industrielle. Certaines idées de représentations et principes d’interaction avancés par Aurélien Pasquier dénotent d’une démarche réellement innovante conduite par un designer en avance sur son temps. Par exemple, sa formation davantage graphique le rend plus sensible à certaines problématiques liées à l’exploitation de l’espace bidimensionnel sur l’écran pour représenter des objets musicaux. Souvent les outils d’écriture musicale sont très contraints dans la façon dont les objets se donnent à voir à l’écran. Aurélien a développé quelques paradigmes de représentation qui exploitent la bi-dimensionnalité de l’espace de manière pertinente, susceptibles de fournir à l’utilisateur une nouvelle représentation et, de fait, une nouvelle idée de l’œuvre qu’il est en train d’écrire. Une représentation n’est jamais neutre, elle nous engage toujours dans ce que l’on fait.
D’autre part, un environnement musical se compose de nombreux éléments (matière sonore, traitements, outils pour manipuler les éléments sonores et musicaux, dispositifs de contrôle des paramètres, etc.). Mais dans cette prolifération instrumentale, l’enjeu cognitif et gestuel fondamental reste la façon dont le rapport entre le concret et l’abstrait, entre le son et la musique, entre l’instrumentation et les structures est appréhendé et maîtrisé par le compositeur. Pour l’instant, les séquenceurs classiques gèrent très mal ce passage de l’abstrait au concret. On superpose souvent trop simplement les outils qui créent le son et ceux qui organisent les notes, sans penser plus profondément le rapport entre les deux. À ce propos, Aurélien a proposé un ou deux paradigmes de représentation pour faire interagir des grandeurs abstraites, contrôler des effets. Il a mis au point une brique intéressante répondant à l’une des grandes problématiques de l’informatique musicale : ce rapport entre abstrait et concret que pose la question de l’interaction entre les dimensions musicales et sonores.
CADI : Le projet d’Aurélien vous paraît donc viable ?
T.B. : D’autant plus viable qu’Aurélien n’a pas de formation musicale. Ainsi, s’il travaillait en collaboration avec des techniciens spécialistes en signal et des usagers compositeurs, il pourrait parvenir à concevoir un objet utilisable et bien supérieur à beaucoup d’autres. Votre étudiant détient un solide concept. Il est somme toute assez rare de trouver un profil comme le sien, alliant technique et sensibilité artistique. Dans le champ du développement informatique d’outils musicaux, de telles compétences graphiques et un tel « bon sens » visuel ne sont pas monnaie courante.
Verrouillage industriel, inertie, logiciels libres ? Quels scénarios pour demain ?
CADI : De tout temps, la musique s’est appuyée sur les évolutions techniques et technologiques. Au cours des dernières décennies, les nouvelles technologies numériques ont bouleversé le rapport à la musique (écoute et composition) et les modes d’interaction avec la musique. En tant qu’ingénieur, quelle évolution de la musique, des outils et environnements / interfaces musicaux prévoyez-vous ?
T.B. : Faisons un peu de futurologie. Plusieurs scénarios sont possibles. Le premier serait celui du verrouillage industriel, dans lequel les environnements propriétaires écraseraient tout le reste. Ce serait la continuité de ce qui se produit à l’heure actuelle. À part à un niveau amateur, il n’y a pas vraiment d’usage en dehors des gros outils utilisés dans les gros studios. Cette situation est déplorable, à mon avis, parce que ces entreprises ont des impératifs fonctionnels (liés aux contraintes des studios) qui les empêchent d’être plus inventives au niveau de la conception et du design. C’est donc un « scénario catastrophe » : l’inertie. Le vrai enjeu dans ce secteur d’activité consiste à comprendre et négocier la transition entre l’analogique et le numérique. Les studios sont équipés en matériel analogique, ce qui fait que le matériel numérique n’y a pas forcément sa place au sein du processus de composition même. In fine, l’utilisateur reste devant sa table de mixage à manipuler ses synthétiseurs hardware. C’est plus rapide, cela permet de travailler à plusieurs dans la même pièce. La création et le mixage de la musique en studio ne va pas évoluer de manière radicale dans un futur proche car les techniques analogiques s’y sont stabilisées, et elles ont imposé leurs concepts à beaucoup d’outils numériques. Le numérique s’immisce toujours davantage dans les studio, ajoute des éléments au métier, reconfigure les méthodes, mais ne change pas de manière radicale les paradigmes de représentation des objets musicaux.
Au-delà du monde pro, je m’intéresse particulièrement aux pratiques amateurs. Mes recherches portent sur l’utilisateur à la maison en interaction avec son home-studio et ses diverses possibilités, aussi bien en composition / écriture qu’en lecture / écoute. Dans ce domaine, les choses vont évoluer. Le secteur amateur, qui n’est pas verrouillé par une lourde tradition et la domination de certains acteurs (Pro Tools, par exemple), devrait subir d’importantes évolutions. De plus, le matériel étant toujours trop cher, des régimes économiques de type logiciel libre se mettent en place, facilitant la diffusion de nombreux d’outils absolument révolutionnaires. Contrairement au monde du studio, ce secteur n’est pas encore stabilisé car nous n’en sommes qu’au stade de préhistoire de l’informatique musicale orientée « utilisateurs amateurs » (au sens de « qui aime », et non d’« incompétent ». Les choses sont en pleine mutation. Il faut miser sur le libre, acteur toujours plus important dans le domaine de l’informatique musicale, car c’est un système très dynamique qui permet une bien meilleure collaboration et une plus grande flexibilité que le monde du logiciel propriétaire.. Deuxièmement, il convient de se demander comment, dans cette économie complètement éclatée, recréer des structures de travail interdisciplinaires. Le vrai enjeu théorique se situe dans la collaboration de personnes issues d’horizons intellectuels différents. Il faudrait donner un cadre à ce type d’échanges pour promouvoir la collaboration de designers avec des sociologues, des musiciens, des techniciens. Je crois que ce genre d’interactions est vraiment la clé d’une innovation motivante.
Quel rôle le design pourrait-il jouer dans les scénarios d’avenir que vous venez d’évoquer ?
Je crois que le design est le maillon fondateur, l’articulation entre la technique et l’usage. C’est ce qui permet de créer des phénomènes d’adoption des outils techniques. En effet, sans réflexion sur le design, l’adoption de l’outil technique est problématique. Une question me taraude : comment faire intervenir cette dimension de recherche qu’est le design dans une économie décentralisée, éclatée où les rôles sont un peu flous. Je pense que les projets les plus inventifs sont menés dans le domaine du logiciel libre, mais au moment même où on les voit comme les plus inventifs, on se pose des questions sur les structures qui permettent de les construire et de les soutenir. On se demande comment des designers pourraient venir s’y greffer. Il faut rappeler que c’est un secteur d’activité où il n’y a pas beaucoup d’argent…
Pour moi, le principal enjeu d’avenir pour faire évoluer les outils techniques du domaine artistique sera la création de micro structures collaboratives interdisciplinaires. Celles-ci pourront réunir des designers avec des ingénieurs et des créateurs. En informatique musicale, par exemple, il faudra impérativement travailler avec des compositeurs qui, en tant qu’utilisateurs premiers, nous renseigneront à propos des besoins, et surtout, en susciteront d’autres. Car il ne s’agit pas seulement de rendre compte d’un besoin, il faut également innover. L’innovation est un facteur très complexe, difficile à définir, qui se situe à la croisée du travail des praticiens, des techniciens et du design ; c’est un phénomène protéiforme aux confins de toutes ces démarches.
Il semblerait en effet que les musiciens utilisant les outils de composition musicale assistée par ordinateur se contentent de leur sort. Le designer, dont le rôle est parfois de faire prendre conscience à l’utilisateur de son inconfort, pourrait amener les adeptes de ce genre de logiciels à devenir plus exigeants.
La majeure partie des utilisateurs se contente de ce qui existe, parce que c’est déjà bien d’y avoir accès. Étant chercheur, c’est une déformation professionnelle, je cherche et suis donc toujours en attente d’une meilleure solution. Mais il ne faut pas non plus oublier que les outils existants sont quand même très structurants, permettent le développement d’usages et pratiques qui étaient encore inimaginables il y a dix ans. À partir d’un certain stade, il devient compliqué de s’y retrouver. On passe parfois plus de temps à chercher le bon outil qu’à utiliser ce dont on dispose…
Propos recueillis par Morgane SAYSANA, coordinatrice éditoriale de la revue CADI.
Plus d’informations sur le projet MUE par Aurélien Pasquier
La dématérialisation par le passage aux outils numériques de production a grandement modifié la pratique musicale. (Re)trouver les bonnes métaphores pour l’exercice de la composition et du montage sonore, voilà une tâche à laquelle s’attelle l’industrie parfois artisanale du logiciel musical, sans toujours y trouver de solution. Dans un domaine où pratique amateur et pratique professionnelle s’appuient souvent sur les mêmes environnements technologiques, Aurélien s’est positionné élégamment, en guidant l’utilisateur selon son niveau d’expertise, dans une interface qui se veut limpide.
Trois axes de réflexion l’ont guidé dans la conception. Tout d’abord, dépasser les propositions d’interface imitant maladroitement des outils analogiques, et offrir des modes d’interaction et de visualisation en rapport avec la « matière sonore » manipulée. Ensuite, regrouper des fonctionnalités pour autoriser un processus de création plus fluide, de la composition musicale à la composition sonore en passant par la création musicale, avec davantage de va-et-vient entre les différentes phases. Enfin, proposer une adaptation progressive de l’outil à la pratique et au niveau d’expertise de l’utilisateur, en analysant notamment l’usage effectif du logiciel.
Ces trois axes ont été brillamment traduits dans une interface sobre et élégante, particulièrement adaptée à des dispositifs de type interfaces tangibles (écrans tactiles multipoints par exemple), qui offrent une certaine plasticité gestuelle dans le processus de création musicale, sans sacrifier à la rigueur et à la précision requises pour une véritable pratique professionnelle.
F. Degouzon – Directeur stratégie, recherche et développement international
Aurélien Pasquier – 06 71 38 96 92 – aur.pasquier@gmail.com
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